
Interview de Marie-Paule Penet
“Écoutez, faites les gestes, écrivez, relisez !” Combien de fois par jour les enseignants formés à la pédagogie Jean Qui Rit le répètent-ils ? Et en quoi chanter, gestuer et rythmer facilitent-ils la mémorisation ?
Marie-Paule Penet, directrice de l’école Jacinthe et François à Rambouillet, enseigne depuis quinze ans en classe de grande section selon la pédagogie Jean Qui Rit, à laquelle elle s’est formée en arrivant dans son établissement. Après avoir reçu une formation à la “méthode semi-globale à synthèse différée” il y a plus de vingt ans, elle a découvert les bienfaits des méthodes syllabiques en s’arrêtant 10 ans pour s’occuper à plein temps de ses enfants.
Chaque année, les grandes sections apprennent vingt cinq poésies.
Je suis épatée par des enfants de cinq ans qui retiennent toutes les semaines des textes qui sont longs et sans support visuel (puisqu’ils ne savent pas encore lire). Leur mémoire ne s’accroche qu’à l’audition et aux gestes qui accompagnent la mémorisation. Ils mémorisent un poème par semaine. Celui de cette semaine est plus difficile que les autres et nécessite deux jours d’apprentissage supplémentaires mais ils le sauront tous !
La galette de la reine Henriette

Voici la galette
bien bonne, bien faite,
Voici la galette
de la reine Henriette !
Et la reine Henriette
découpe la galette
Et la reine Henriette
la découpe en sept !
La première part pour Juliette
La deuxième pour Fanette,
La troisième pour Jeannette,
La quatrième pour Laurette,
La cinquième pour Cosette,
La sixième pour le roi,
La septième pour moi,
Vive la galette
de la reine Henriette.
La clef de cette réussite ?
C’est la répétition. Je fais signe que c’est moi qui parle puis c’est à leur tour de répéter.
C’est gestué, joyeux, on l’a fait hier avec une vraie galette. Ensuite, ils font semblant de découper avec de vrais ciseaux. La succession des prénoms dans cette poésie est un peu difficile. Donc on s’aide des gestes de Jean Qui Rit pour les voyelles et quelques consonnes. Juliette avec le “U”, Fanette avec le “F”… Je répète deux strophes par deux strophes.

Les quinze minutes de séquence Chants et Gestes recommandées par Jean Qui Rit vous sont-elles utiles ?
Non seulement utiles mais indispensables et fédératrices ! Être capable de rester sur ses deux pieds, reprendre un geste au même rythme que la maîtresse, c’est toute une école pour des enfants qui ont du mal à se tenir dans leur corps. C’est exigeant pour eux mais c’est une exigence qui porte ses fruits. J’ai une classe très très dynamique. Les enfants ont besoin d’alterner des mouvements assis et debout. A 5 ans on bouge ! Chants et gestes est prévu tout au début de la journée après la prière puis la motricité. La poésie de la semaine, quant à elle, a lieu tous les matins après la récréation, le passage aux toilettes, le lavage des mains et une minute de silence. On reprend la poésie à nouveau l’après-midi (sauf le vendredi après-midi consacré au bricolage). Au-delà de la joie de connaître des chants qui appartiennent à notre patrimoine culturel, vous ne pouvez pas imaginer comme les enfants sont fiers le vendredi de repartir avec leur cahier de poésies (qui ne sert qu’aux parents, seuls lecteurs) illustrées.
Et le rythme dans tout ça ?

Le rythme peut poser l’enfant. (NDLR : nous consacrerons un prochain dossier plus complet sur ce lien entre le geste et le rythme en nous appuyant sur les découvertes de Marcel Jousse). Mais à l’inverse, un enfant qui a beaucoup de mal à entrer dans le rythme aura beaucoup de mal à entrer dans la lecture.
Jean Qui Rit est un outil joyeux, simple et très bien monté avec cet ensemble d’histoires de personnages, dans lesquels on se reconnaît. On a un support auditif et kinesthésique à chaque fois qu’on a un besoin visuel. Ainsi par exemple, les lettres sont toujours chantées, sur trois tons, tracées en l’air, au tableau, sur le bureau et dans la semoule. La lettre correspond à une mélodie. Tout s’enchaîne avec cohérence et s’il manque quelque chose, les enfants le réclament ! “Maîtresse, on a oublié de chanter, … ! Oui après la récréation… !”

Un conseil pour bien commencer l’année ?
Bien s’entraîner au préalable à faire tous les gestes en miroir et avoir confiance en sa capacité à chanter devant un groupe.
Propos recueillis par Élodie Dambricourt